LA QUÊTE

Quand j’étais enfant, ma tante m’emmenait souvent à la pêche. Je fixais mon bouchon comme si ma vie en dépendait, sursautant à chacun de ses mouvements. Je me souviens des cris de joie que nous poussions quand il disparaissait quelques instants. Ce que je préférais par-dessus tout, c’était imaginer que là, à quelques mètres de moi, sans que je ne puisse le voir, un poisson rôdait autour de mon hameçon. Je le voyais tourner, hésiter. J’imaginais sa taille. Je m’imaginez combattre l’animal pour l’extraire de l’eau. Ce poisson serait énorme, le plus gros que l’on n’ait jamais vu. Il était là, je le savais. Pourtant, la réalité m’a toujours rattrapée. Je ne sortais que quelques maigres ablettes pas plus longues que la paume de ma main. Malgré tout, à chacune de nos sorties, je savais qu’il était là, caché sous la surface, au plus profond de la rivière. On m’en avait parlé.

C’était un poisson hideux, avec une bouche monstrueuse, pouvant mesurer plus de quatre mètres. On disait qu’il n’était pas du coin, qu’il avait probablement était introduit et qu’on s’était laissé débordé. Certains pensaient que c’était un poisson mutant, car on le voyait roder aux abords des centrales nucléaires. On ne savait pas s’il était vraiment dangereux, mais mon voisin ne voulait plus se baigner dans la rivière. De source sûre, je savais que la créature décimait les poissons locaux. C’était inévitable, bientôt nous ne verrons plus de truites dans les cours d’eau français. Ma curiosité était piquée, il fallait se lancer.

Projet réalisé avec le Soutien à la photographie documentaire du Centre National des Arts Plastiques.

TRAVAIL EN COURS

À prendre la moyenne des observations faites à diverses reprises – en rejetant les évaluations timides qui assignaient à cet objet une longueur de deux cents pieds, et en repoussant les opinions exagérées qui le disaient large d’un mille et long de trois –, on pouvait affirmer, cependant, que cet être phénoménal dépassait de beaucoup toutes les dimensions admises jusqu’à ce jour par les ichtyologistes – s’il existait toutefois. Or, il existait, le fait en lui-même n’était plus niable, et, avec ce penchant qui pousse au merveilleux la cervelle humaine, on comprendra l’émotion produite dans le monde entier par cette surnaturelle apparition. Quant à la rejeter au rang des fables, il fallait y renoncer.

Vingt mille lieues sous les mers, Jules Vernes, 1870.

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